NAIROBI – La manière de financer les priorités environnementales et de détourner l’attention de l’Afrique victime des inondations et de la famine sera au cœur du débat lors du premier sommet climatique du continent la semaine prochaine, tandis que les militants résistent aux projets d’expansion des marchés du carbone pour le financement.
Les états africains ne contribuent qu’à environ 3 % des émissions mondiales de carbone, ont rapporté les chiffres de l’ONU, mais sont de plus en plus exposés à l’impact des conditions météorologiques extrêmes liées au changement climatique, notamment à la pire sécheresse que la Corne de l’Afrique ait connue depuis de nombreuses années.
Un rapport publié l’année dernière par l’ONG Climate Policy Initiative révèle que l’Afrique n’a reçu que 12 % des financements dont elle a besoin pour lutter contre les impacts climatiques.
“Nous souhaitons commencer à changer le discours depuis l’Afrique, victime de la faim, de la famine et des inondations”, a annoncé le ministre kenyan de l’Environnement, Soipan Tuya, avant le sommet qui s’ouvre lundi à Nairobi.
“Le nouveau récit… devrait être celui d’une Afrique désireuse et prête à attirer des capitaux en temps opportun, équitables et de grande ampleur pour diriger le monde dans la lutte contre le changement climatique.”
Les milliers de délégués devraient débattre des solutions avant le sommet de l’ONU sur le climat le mois prochain à New York en septembre et le sommet COP28 de l’ONU aux Émirats arabes unis à partir de fin novembre.
Les organisateurs du sommet déclarent aussi qu’ils s’attendent à ce que des accords d’une valeur de plusieurs centaines de millions de dollars soient conclus à Nairobi.
Les instruments de financement établis sur le marché, tels que les crédits carbone qui permettent aux pollueurs de compenser leurs émissions en finançant des activités telles que la plantation d’arbres et la production d’énergie renouvelable, figurent en bonne place sur la liste des options de financement.
Les gouvernements ont aussi manifesté leur intérêt pour les échanges de dette contre nature. Le Gabon a conclu plus tôt ce mois-ci le premier accord de ce type en Afrique en rachetant une valeur nominale de 500 millions de dollars de sa dette internationale et en émettant une obligation écologique amortissable de taille égale.
La transaction tend à générer des économies pouvant être utilisées pour financer la conservation.
Mais l’approche du sommet en matière de financement climatique a suscité des critiques de la part de groupes civiques, plus de 500 d’entre eux accusant les organisateurs dans une lettre ouverte de faire avancer les priorités occidentales aux dépens de l’Afrique.
“Ces approches encourageront les nations riches et les grandes sociétés à continuer de polluer le monde, au grand détriment de l’Afrique”, ont affirmé les groupes dans la lettre.
Amos Wemanya, conseiller principal chez Power Shift Africa, l’un des signataires, a annoncé que le financement devrait provenir des pays les plus riches qui respectent les accords qu’ils ont pris auparavant envers les plus pauvres, mais qu’ils n’ont jusqu’à dernièrement respectés qu’en partie.
ATTIRER LES INVESTISSEMENTS
Le Kenya, pays hôte, qui affirme représenter un quart des crédits carbone échangés en Afrique, espère être un modèle pour les ambitions de l’Afrique sur le marché et a introduit une législation pour tenter d’attirer les investissements.
En juin, il a préparé une vente aux enchères au cours de laquelle des sociétés saoudiennes ont acheté plus de 2,2 millions de tonnes de crédits carbone.
L’un des projets générant ces crédits est la production de cuisinières propres par la société BURN Manufacturing, basée au Kenya, pour remplacer les feux de bois et de charbon de bois très polluants.
Les revenus générés par les crédits carbone permettent à BURN de vendre ses fourneaux aux Kenyans pauvres à un tarif subventionné de 12 dollars par unité, au lieu du coût de production de 40 à 50 dollars, a annoncé Chris McKinney, directeur commercial de BURN.
L’entreprise a vendu plus de 3,6 millions de poêles.
“Nous n’avons encore qu’effleuré la surface. L’ampleur du problème est gigantesque”, a-t-il déclaré.
L’un des points forts du sommet de la semaine prochaine, d’après un ordre du jour publié, sera un accord impliquant les Émirats arabes unis et l’Initiative des marchés du carbone en Afrique (ACMI).
L’ACMI a été lancée lors du sommet COP27 en Égypte l’année dernière dans le but de faire passer la production de crédits carbone en Afrique de 16 millions en 2020 à 300 millions d’ici 2030 et 1,5 milliard d’ici 2050.
Répondant aux critiques sur les crédits carbone, Joseph Ng’ang’a, directeur général du secrétariat du sommet, a annoncé qu’ils constituaient un outil important pour lutter contre le changement climatique, mais qu’ils ne constituaient qu’une pièce du puzzle.
Les états africains continueront aussi à exiger davantage de financement de la part des gouvernements des pays riches et à rechercher une reconnaissance supplémentaire du bassin du Congo, la deuxième plus grande forêt tropicale du monde, en qualité de puits de carbone majeur, ont affirmé les organisateurs du sommet. REUTERS