PARIS (AP) – Des dizaines de milliers de personnes ont défilé tandis que des troubles et des grèves contre les réformes impopulaires des retraites se sont à nouveau emparées de la France mardi, la police renforçant la sécurité après que le gouvernement a prévenu que les manifestants radicaux avaient l’intention de “détruire, blesser et tuer”.
La crainte que la violence ne gâche les troubles a provoqué ce que le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a évoqué comme un déploiement sans précédent de 13 000 officiers, dont près de la moitié concentrés dans la capitale française, où la police a fait face aux radicaux ultra-gauchistes.
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Signe que les troubles pourraient s’essouffler, les salariés de l’assainissement à Paris ont annoncé qu’ils suspendaient leur grève de plus de trois semaines qui a laissé des tas d’ordures puantes non ramassées dans les rues de la capitale. Le syndicat CGT, qui a mis en place les grèves, a affirmé dans une déclaration que les salariés reprendraient leur travail mercredi car “nous n’avons plus guère de grévistes”. Il n’était pas clair si les sociétés privées chargées de maintenir certains quartiers parisiens propres reprendraient le travail.
La CGT a fait état mardi d’une chute du nombre de manifestants parisiens après un record de 800 000 cinq jours plus tôt. Les chiffres officiels, toujours bien inférieurs, n’étaient pas tout de suite disponibles.
Après des mois de bouleversements, une sortie de la tempête de protestations engendrée par les changements apportés par le président Emmanuel Macron au système de retraite français semblait plus lointaine que jamais. Malgré de nouveaux appels des syndicats pour que le gouvernement suspende sa campagne très contestée visant à relever l’âge légal de la retraite en France de 62 à 64 ans, Macron semble y être resté attaché.
Le dirigeant français utilisait auparavant un pouvoir constitutionnel spécial pour imposer la réforme aux législateurs sans leur permettre de voter. Sa décision ce mois-ci a encore galvanisé le mouvement de protestation. Depuis, la violence a éclaté et des milliers de tonnes de déchets puants se sont accumulées dans les rues de Paris pendant la grève des éboueurs.
Le site Internet de la tour Eiffel a annoncé que les grévistes avaient fermé l’attraction touristique de renommée mondiale. Le musée du Louvre était aussi en grève lundi.
“Tout le monde devient de plus en plus fou”, a affirmé Clément Saild, un passager du train à la gare de Lyon à Paris, où les voies ont été momentanément envahies et bloquées mardi par des manifestants.
Il a affirmé qu’il soutenait les grèves malgré leur impact sur les transports et d’autres services.
“J’ai 26 ans et je me demande si je prendrai un jour ma retraite”, a-t-il déclaré.
Une autre passagère, Helene Cogan, 70 ans, a affirmé: “Les Français sont têtus et les choses deviennent incontrôlables.”
La vague de protestations de mardi a marqué la 10e fois depuis janvier que les syndicats appellent les salariés à se retirer et les manifestants à inonder les rues du pays contre les modifications de la retraite de Macron, qui sont une priorité clé de son deuxième mandat à la présidence.
Son gouvernement affirme que le système de retraite français plongera dans le déficit sans réforme, en raison des taux de natalité plus faibles et de l’espérance de vie plus longue dans de nombreux pays riches. Les opposants à Macron affirment que le financement supplémentaire des retraites pourrait provenir d’autres sources, sans avoir à obliger les salariés à prendre leur retraite plus tard.
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Les troubles ont commencé pacifiquement mardi matin, avec de grandes foules dans plusieurs villes. Par contre les tensions sont montées lors d’une marche majoritairement pacifique dans la capitale française avec un face-à-face entre la police et des ultra-gauchistes qui ont bombardé des officiers avec des projectiles et d’autres objets.
La police a aussi signalé avoir été frappée avec des objets et a répondu avec des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants dans la ville de Nantes, dans l’ouest, et a été préparée à la violence ailleurs.
Le ministre de l’Intérieur a affirmé qu’environ 1 000 fauteurs de troubles “radicaux”, certains venus de l’étranger, pourraient participer à des marches à Paris et dans d’autres villes.
« Ils viennent détruire, blesser et tuer des policiers et des gendarmes. Leurs objectifs n’ont rien à voir avec la réforme des retraites. Leurs objectifs sont de déstabiliser nos institutions républicaines et de faire couler le sang et le feu sur la France », a affirmé lundi le ministre en détaillant le maintien de l’ordre.
Certains manifestants, militants des droits de l’homme et opposants politiques de Macron allèguent que des policiers ont fait un usage excessif de la force contre des manifestants. Un organisme de surveillance de la police enquête sur de multiples allégations d’actes répréhensibles par des agents.
Les cheminots en grève devant la gare de Lyon ont défilé derrière une banderole disant : « La police mutile. Nous ne pardonnons pas !
Lucie Henry, une manifestante de 36 ans, a affirmé qu’en contournant le parlement pour imposer sa réforme, Macron “a mis le feu à tout le monde”.
“Ce qui ajoute de l’huile sur le feu, c’est le attitude du gouvernement, les violences policières en particulier”, a-t-elle déclaré.
Les opposants à Macron l’exhortent à se calmer en reculant. Le leader syndical Laurent Berger a appelé mardi à une pause dans la mise en place de la réforme des retraites et à une médiation.
“Si nous voulons éviter les tensions – et je veux les éviter – ce que les syndicats proposent, c’est un geste pour calmer les choses”, a-t-il déclaré. “Il faut le saisir.”
Mais le porte-parole du gouvernement, Olivier Veran, a affirmé que la médiation n’était pas nécessaire pour que les syndicats et le gouvernement se parlent.
La dernière série de troubles a incité Macron à reporter indéfiniment une visite d’État prévue cette semaine par le roi Charles III.
Veran a cela dit appuyé le fait que la France reste un lieu accueillant pour tous les visiteurs non royaux.
« La vie continue », dit-il.
Jadu Deley, Jeffrey Schaeffer, Helena Alves et Masha Macpherson ont contribué à ce rapport.