OTTAWA – Les incendies de forêt de cet été dans l’est du Canada ont fait rage avec une telle intensité que leur fumée a assombri le ciel jusqu’au Portugal. Dès le démarrage, les scientifiques ont affirmé que la saison historique des incendies de forêt au Canada portait la marque du changement climatique. Aujourd’hui, une nouvelle analyse confirme et quantifie l’impact de la pollution causée par le réchauffement de la planète, montrant qu’elle a plus que doublé la probabilité de conditions météorologiques extrêmes liées aux incendies dans l’est du Canada.
Le Canada a connu sa pire saison d’incendies de forêt jamais enregistrée. Les incendies se sont propagés sur environ 15,3 millions d’hectares, soit une superficie à peu près équivalente à celle du Bangladesh, et ont envoyé de la fumée vers des endroits éloignés.
Les chercheurs travaillant dans le cadre de l’initiative World Weather Attribution (WWA) ont pu quantifier l’influence du réchauffement climatique sur les incendies en utilisant des modèles climatiques qui n’étaient pas seulement conçus pour prévoir l’impact futur du changement climatique, mais aussi pour examiner le passé. En prenant les observations météorologiques existantes, les chercheurs ont pu modéliser à quoi ressemblaient les incendies avant l’augmentation des émissions responsables du réchauffement de la planète et les comparer à aujourd’hui.
Le changement climatique a augmenté les risques d’incendies de forêt plus extrêmes d’au moins deux manières. La première consiste à augmenter les températures. Un temps plus chaud peut à lui seul suffire à augmenter l’activité des incendies de forêt en asséchant les herbes et autres plantes qui peuvent alimenter des incendies de forêt plus intenses. Dans le même temps, le changement climatique modifie aussi les régimes de précipitations, entraînant des périodes de précipitations plus extrêmes et de sécheresses plus extrêmes. De nombreuses régions du Canada ont connu les deux cette année. Plus précisément, l’analyse a révélé que la période entre mai et juin était la plus chaude jamais enregistrée depuis 1940, ce qui remonte aussi loin que les observations météorologiques d’incendie incluses dans la période de recherche.
Les chercheurs se sont concentrés sur la façon dont le changement climatique a affecté la météo des incendies – c’est-à-dire les conditions propices aux incendies – et non sur les incendies eux-mêmes, car les incendies de forêt sont un mélange de conditions et de chance. Au moins 120 incendies au Québec, par exemple, ont été déclenchés par la foudre lorsqu’un système orageux a balayé la région au début du mois de juin dans des conditions inhabituellement chaudes et sèches. Certains de ces incendies brûlent encore aujourd’hui.
«Nous aurions pu connaître une année similaire en termes de conditions météorologiques, mais sans la foudre, la saison des incendies aurait été vraiment différente», a annoncé Jonathan Boucher, scientifique au Service canadien des forêts et co-auteur de l’analyse.
D’autres recherches suggèrent que le changement climatique augmentera aussi la fréquence des éclairs.
Les nouveaux résultats doivent encore être évalués par des pairs, car attendre le processus peut prendre des années. L’objectif de la WWA est de « répondre à la question du rôle du changement climatique tout de suite après un événement météorologique extrême », a annoncé le Dr Friederike Otto, maître de conférences en sciences du climat au Grantham Institute for Climate Change et co-responsable du l’initiative.
Les incendies de forêt font partie intégrante de nombreux écosystèmes. Ils aident à éliminer les matières organiques mortes comme les broussailles et les feuilles, et de nombreuses plantes et animaux dépendent des avantages que peuvent apporter les incendies de forêt. Mais l’été de feux au Canada pourrait avoir des effets négatifs de manière durable sur les forêts, compte tenu de l’intensité et de l’étendue des incendies.
Il faudra du temps aux scientifiques pour évaluer exactement comment les forêts réagiront à la pire saison d’incendies de forêt jamais enregistrée au Canada – et cette période est loin d’être terminée. durant la dernière semaine, des incendies ont forcé des dizaines de milliers de personnes à évacuer Yellowknife, la capitale des Territoires du Nord-Ouest, tandis que le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique a annoncé l’état d’urgence dans un contexte d’incendies et d’évacuations généralisés. Cet été, au moins cinq personnes sont mortes, dont trois pompiers et un pilote d’hélicoptère qui aidaient à éteindre les incendies.
L’étude de WWA s’est concentrée sur le Québec, qui a été particulièrement touché cet été.
«Ces conditions ont donné lieu au plus grand incendie jamais documenté dans le sud du Québec, soit 460 000 hectares», a annoncé le Dr Yan Boulanger, scientifique scientifique en écologie forestière à Ressources naturelles Canada. « Entre le 1er et le 25 juin, (nous) avons vu plus de terres consumées par les incendies que la somme cumulée des 20 années précédentes. »
Les incendies de forêt ne sont pas seulement aggravés par le changement climatique ; ils contribuent aussi au problème. Les premières estimations montrent que les émissions de gaz à effet de serre dues aux incendies dépasseront de loin celles du reste de l’économie du pays, basée sur les combustibles fossiles. BLOOMBERG