Les vaccins à ARNm Pfizer-BioNTech et Moderna ont joué un rôle important dans la prévention des décès et des infections graves dus au COVID-19. Par contre les chercheurs sont toujours en train de développer des approches alternatives aux vaccins pour améliorer leur performance, y compris la façon dont ils sont administrés. L’immunologiste et microbiologiste Michael W. Russell de l’Université de Buffalo explique comment fonctionnent les vaccins nasaux et où ils en sont dans le pipeline de développement.
Comment le système immunitaire combat-il les agents pathogènes ?
Le système immunitaire a deux matériaux distincts : muqueux et circulatoire.
Le système immunitaire muqueux assure la protection des surfaces muqueuses du corps. Ceux-ci comprennent la bouche, les yeux, l’oreille moyenne, les glandes mammaires et autres, de même que les voies gastro-intestinales, respiratoires et urogénitales. Les anticorps et une variété d’autres protéines antimicrobiennes dans les sécrétions collantes qui recouvrent ces surfaces, de même que les cellules immunitaires situées dans la muqueuse de ces surfaces, attaquent directement les agents pathogènes envahisseurs.
La partie circulatoire du système immunitaire génère des anticorps et des cellules immunitaires qui sont délivrés par la circulation sanguine aux tissus et organes internes. Ces anticorps circulants n’atteignent généralement pas les surfaces muqueuses en quantités suffisamment importantes pour être efficaces. Ainsi, les compartiments muqueux et circulatoire du système immunitaire sont largement séparés et indépendants.
Quels sont les acteurs clés de l’immunité muqueuse ?
Les matériaux immunitaires que les gens connaissent le mieux sont les protéines appelées anticorps ou immunoglobulines. Le système immunitaire génère des anticorps en réponse aux agents envahisseurs que le corps identifie comme « non-soi », tels que les virus et les bactéries.
Les anticorps se lient à des antigènes spécifiques : la partie ou le produit d’un agent pathogène qui induit une réponse immunitaire. La liaison aux antigènes permet aux anticorps soit de les inactiver, comme ils le font avec les toxines et les virus, soit de tuer les bactéries à l’aide de protéines ou de cellules immunitaires supplémentaires.
Le système immunitaire muqueux génère une forme spécialisée d’anticorps appelée IgA sécrétoire ou SIgA. Puisque le SIgA est situé dans les sécrétions muqueuses, telles que la salive, les larmes, les sécrétions nasales et intestinales et le lait maternel, il résiste aux enzymes digestives qui détruisent facilement d’autres formes d’anticorps. Il est aussi supérieur à les nombreux autres immunoglobulines pour neutraliser les virus et les toxines, et pour empêcher les bactéries de se fixer et d’envahir les cellules tapissant la surface des organes.
Il existe aussi de nombreux autres acteurs clés du système immunitaire muqueux, notamment différents types de protéines antimicrobiennes qui tuent les agents pathogènes, de même que des cellules immunitaires qui génèrent des réponses anticorps.
Le mucus est l’une des sécrétions centrales du système immunitaire muqueux.
Comment le virus COVID-19 pénètre-t-il dans le corps ?
Quasiment toutes les maladies infectieuses chez les humains et les autres animaux sont contractées par les surfaces muqueuses, par exemple en mangeant ou en buvant, en respirant ou par contact sexuel. Les principales exceptions incluent les infections de plaies ou les agents pathogènes transmis par des piqûres d’insectes ou de tiques.
Le virus qui cause le COVID-19, le SARS-CoV-2, pénètre dans le corps via des gouttelettes ou des aérosols qui pénètrent dans votre nez, votre bouche ou vos yeux. Il peut provoquer une maladie grave s’il descend en profondeur dans les poumons et provoque une réponse immunitaire inflammatoire hyperactive.
Cela signifie que le premier contact du virus avec le système immunitaire se fait certainement par les surfaces du nez, de la bouche et de la gorge. Ceci est soutenu par la présence d’anticorps SIgA contre le SRAS-CoV-2 dans les sécrétions des personnes infectées, y compris leur salive, leur liquide nasal et leurs larmes. Ces emplacements, en particulier les amygdales, ont des zones spécialisées qui déclenchent spécifiquement des réponses immunitaires muqueuses.
Certaines recherches suggèrent que si ces réponses d’anticorps SIgA se forment à la suite d’une vaccination ou d’une infection antérieure, ou se produisent assez rapidement pour réagir à une nouvelle infection, elles pourraient prévenir une maladie grave en confinant le virus aux voies respiratoires supérieures jusqu’à ce qu’il soit éliminé.
Comment fonctionnent les vaccins nasaux ?
Les vaccins peuvent être administrés par voie muqueuse via la bouche ou le nez. Cela induit une réponse immunitaire à travers des zones qui stimulent le système immunitaire muqueux, conduisant les sécrétions muqueuses à produire des anticorps SIgA.
Il existe plusieurs vaccins muqueux, la plupart administrés par voie orale. Actuellement, un seul, le vaccin contre la grippe, est administré par voie nasale.
Dans le cas des vaccins nasaux, les antigènes viraux destinés à stimuler le système immunitaire seraient captés par les cellules immunitaires de la muqueuse du nez ou des amygdales. Alors que les mécanismes exacts par lesquels les vaccins nasaux fonctionnent chez les humains n’aient pas été étudiés en profondeur, les chercheurs pensent qu’ils fonctionnent de manière analogue aux vaccins muqueux oraux. Les antigènes contenus dans le vaccin induisent la maturation des lymphocytes B dans les sites muqueux en plasmocytes qui sécrètent une forme d’IgA. Cette IgA est ensuite transportée dans les sécrétions muqueuses de tout le corps, où elle devient SIgA.
Si les anticorps SIgA dans le nez, la bouche ou la gorge ciblent le SRAS-CoV-2, ils pourraient neutraliser le virus avant qu’il ne puisse tomber dans les poumons et établir une infection.
Les vaccins nasaux pourraient fournir une alternative plus accessible aux injections pour les patients qui se méfient des aiguilles.
Quel avantage les vaccins muqueux ont-ils contre le COVID-19 ?
Je pense que la meilleure façon de protéger un individu contre le COVID-19 est sans doute de bloquer le virus à son point d’entrée, ou du moins de le confiner aux voies respiratoires supérieures, où il pourrait infliger relativement peu de dégâts.
Briser les chaînes de transmission virale est crucial pour contrôler les épidémies. Les chercheurs savent que le COVID-19 se propage pendant la respiration et la parole normales et est exacerbé par les éternuements, la toux, les cris, le chant et d’autres formes d’effort. Puisque ces émissions proviennent principalement de la salive et des sécrétions nasales, où la forme prédominante d’anticorps présente est le SIgA, il va de soi que les sécrétions avec un niveau suffisamment élevé d’anticorps SIgA contre le virus pourraient se neutraliser et ainsi diminuer sa transmissibilité.
Les vaccins existants, toutefois, n’induisent pas de réponses d’anticorps SIgA. Les vaccins injectés induisent principalement des anticorps IgG circulants, qui sont efficaces pour prévenir les maladies pulmonaires graves. Les vaccins nasaux induisent spécifiquement des anticorps SIgA dans les sécrétions nasales et salivaires, où le virus est initialement acquis, et peuvent prévenir plus efficacement la transmission.
Les vaccins nasaux peuvent être un complément utile aux vaccins injectés dans les foyers d’infection. Puisqu’ils ne nécessitent pas d’aiguilles, ils pourraient aussi aider à surmonter l’hésitation à la vaccination due à la peur des injections.
À quel point les chercheurs sont-ils proches de créer un vaccin nasal contre le COVID-19 ?
Plus de 100 vaccins oraux ou nasaux contre la COVID-19 sont en cours de développement à travers le monde.
La plupart d’entre eux ont été ou sont actuellement testés sur des modèles animaux. Beaucoup ont rapporté avoir réussi à induire des anticorps protecteurs dans le sang et les sécrétions, et ont empêché l’infection chez ces animaux. Toutefois, peu ont été testés avec réussite chez l’homme. Beaucoup ont été abandonnés sans rapport complet sur les détails de l’étude.
D’après l’Organisation mondiale de la santé, 14 vaccins nasaux contre le COVID-19 sont en cours d’essais cliniques fin 2022. Des rapports de la Chine et de l’Inde indiquent que des vaccins nasaux ou inhalés ont été approuvés dans ces pays. Mais peu d’informations sont accessibles au public sur les résultats des études soutenant l’approbation de ces vaccins.
Michael W. Russell reçoit des honoraires de consultation de Therapyx, Inc. et a reçu des subventions de recherche précédentes (désormais inactives) des National Institutes of Health; il est aussi nommé sur les subventions actuelles de Therapyx, Inc. Therapyx n’a aucun intérêt dans les produits pour COVID-19.