“Les mains en l’air! Documents sortis !”, ont crié des policiers ukrainiens alors qu’ils braquaient leurs armes sur deux collaborateurs présumés quelques instants après qu’ils aient amarré leur bateau près de la ville de Kherson.
L’euphorie de la libération de Kherson en novembre s’est avérée de courte durée.
Quelques semaines seulement après le retrait des Russes de la ville du sud de l’Ukraine, les autorités s’efforcent de traquer les collaborateurs qui ont aidé Moscou pendant l’occupation de Kherson.
Les deux hommes tenus sous la menace d’une arme venaient d’une île sur le fleuve Dnipro dans la proverbiale zone grise séparant la rive ouest sous contrôle ukrainien de la rive est occupée par la Russie.
« Les évacuations ne sont autorisées qu’au port. C’est illégal ici”, raconte l’un des policiers à l’AFP.
Au port, “les responsables chargés des ‘mesures de stabilisation’ vérifient si des personnes ont été impliquées” avec les occupants russes, ajoute-t-il.
Depuis qu’il a repoussé les Russes, le fleuve est désormais la nouvelle ligne de front d’ampleur de le conflit dans le sud de l’Ukraine.
Un barrage de missiles interrompt l’interrogatoire impromptu bien que la police et les collaborateurs présumés se cachent.
Fumer les collaborateurs
La libération de Kherson a marqué une victoire d’ampleur pour l’Ukraine et un échec embarrassant pour le Kremlin – dans ce qui était le dernier d’une série de revers qui ont vu Kiev prendre l’initiative de le conflit.
Même ainsi, Kherson est loin d’être tranquille car la police garde un contrôle strict, avec des points de contrôle entourant la ville et des patrouilles parcourant ses rues.
Partout à Kherson, les agents inspectent les papiers d’identité, interrogent les habitants et fouillent les voitures dans l’espoir d’enfumer les collaborateurs – dont certains, craignent-ils, fournissent encore des informations à leurs anciens maîtres.
« Certaines personnes ont vécu ici pendant plus de huit mois, travaillant pour le régime russe. Mais désormais, nous avons des informations et des documents sur chacun d’eux”, a annoncé à l’AFP le gouverneur régional Iaroslav Ianouchevitch.
« Notre police sait tout sur eux. Chacun d’entre eux sera puni », ajoute-t-il.
À un rond-point près d’un pont menant à la zone industrielle du front de mer, un vieil homme s’approche des policiers qui contrôlent les conducteurs, espérant trouver un endroit pour remplir deux cruches d’eau.
“Alors, tu dis que tu habites ici, mais tu ne sais pas où sont les points d’eau ?”, réplique un policier à l’homme.
Pour prouver son identité, l’homme sort de sa poche une photocopie usée de sa carte d’identité.
L’interrogation ne s’arrête pas là.
A la gare de la ville, des journalistes de l’AFP ont vu des policiers emmener les quelques civils espérant monter à bord d’un train dans une pièce à part où ils ont été interrogés par cinq agents.
130 arrêtés
Après la libération de la ville, les habitants n’ont pas tardé à démolir les panneaux d’affichage glorifiant la Russie et à les remplacer par des banderoles plébiscitant la victoire ukrainienne à Kherson.
D’autres panneaux appelant les habitants à aider à la recherche de collaborateurs ont aussi commencé à apparaître.
“Envoyez-nous des informations sur les traîtres ici”, lit l’un d’eux, avec un code QR reliant les informateurs potentiels à une application et un numéro de téléphone.
Pour le gouverneur régional, la campagne “nous aide à les identifier, savoir s’ils sont sur la zone que nous contrôlons”.
“Nous tirons la plupart de nos informations de conversations informelles avec des habitants… Nous analysons aussi les réseaux sociaux et surveillons Internet”, explique à l’AFP Andriy Kovanyi, responsable des relations publiques de la police régionale de Kherson.
À ce jour, plus de 130 personnes ont été arrêtées dans la région de Kherson pour collaboration avec les occupants russes, a annoncé le vice-ministre de l’Intérieur Yevhen Yenin.
De nombreux habitants, qui se sont confiés à l’AFP, soutiennent l’initiative.
« C’est toujours bien d’aider à trouver un collaborateur ou un traître. Nous devons aider nos forces armées à attraper les personnes qui ont travaillé pour la Russie”, affirme Pavel, 40 ans.
La recherche de collaborateurs intervient bien que l’armée russe sur la rive opposée du Dnipro continuent de frapper la ville avec des tirs d’artillerie et de missiles – ciblant les infrastructures énergétiques ou les zones résidentielles de Kherson et tuant plusieurs civils ces dernières semaines.
“Nos maisons aussi sont bombardées, et je pense que c’est car des collaborateurs aident à cibler nos maisons”, explique à l’AFP Iryna, 35 ans.
Un autre habitant, Vyacheslav, 47 ans, affirme que “tous les collaborateurs ont déjà fui de l’autre côté” du Dnipro.
“Nous sommes tous des patriotes ici !” clame-t-il.
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